C'était le soir d'Halloween...
C'était le soir d'Halloween et on avait envie de se faire peur. Vraiment peur.
Alors, dans la nuit sombre éclairée par les gueules béantes des citrouilles, on a décidé d'aller le voir. Bien sûr, nos amis nous avaient dit que c'était de la folie, qu'on ne savait pas où on mettait les pieds. "C'est vous qui marchez sur la tête !", s'était exclamée une de nos connaissances quand on avait cité SON nom.
Mais on avait envie de se faire peur. Vraiment.
Alors on y est allé. Devant le bâtiment, on a eu comme un frisson. Mais on a continué. Devant la salle, on a eu comme envie de faire marche arrière. Mais on a continué. Et on est entrés dans la pièce plongée dans l'obscurité.
Plus possible de faire demi-tour maintenant. On s'est assis. Et on a attendu que ça se produise.
Un visage fantomatique a soudain surgi de la nuit.
On était bien devant "On a marché sur Bangkok".
Ce film maudit, enterré par la presse, dont le box-office est tellement déprimant que même Allociné n'ose pas le mettre en ligne. Mais je n'étais pas là pour condamner. On avait envie de se faire peur. Mais aussi de comprendre.
J'ai déployé fébrilement mes machines. On a réglé notre détecteur d'humour absurde, notre enregistreur (notre appareil pour détecter la présence d'un scénario étant en panne) et on a attendu, tremblants. L'apparition a pris de l'ampleur, provoquant des événements surnaturels comme des impressions de déjà vu (Alice Taglioni en baroudeuse à poigne, des gags sur une mauvaise prononciation d'une langue) et même des hallucinations : c'est ainsi qu'on a cru à un moment voir apparaître Gérard Jugnot !
A côté de nous, les machines ronronnaient docilement.
Les visions se sont enchaînées : des paysages exotiques, une mission à accomplir : récupérer l'enregistrement manquant de ces deux minutes où l'homme était sur la lune, un enfant mutin...
Au bout d'1h30, la vision s'est achevée. On était déçus : ce n'était pas aussi terrifiant que prévu. Oui, ce n'était pas une vision originale, mais elle s'était faite regarder assez tranquillement. Mais on était tout de même excités : il y avait les données des machines à décrypter.
Le détecteur d'humour absurde avait failli rendre l'âme à la dernière scène. Mais on ne savait pas si c'était parce que l'humour absurde y était génial ou si la machine avait simplement voulu mettre fin à ses jours devant cette révélation assez ratée. Pour le reste du film, le signal du détecteur était resté presque quasiment plat contrairement à l'expérience que nous avions menés sur d'autres longs-métrages de Kad et O, comme "Un ticket pour l'espace". Quant à notre enregistreur, très sensible, il n'avait mis en boite que quelques rires, souvent lors des passages relayés par la bande-annonce.
"Expérience pas désagréable, mais manque cruel d'originalité, de punch, d'absurde, de tout", je notais sur mon calepin, tandis que l'on me hélait. "Hey, Chippily, tu veux qu'on aille voir quelque chose qui fait VRAIMENT peur ? Regarde !"
Et là, j'ai compris que, finalement, ça n'était pas grave si notre appareil détectant la présence ou non de scénario était en panne.