La leçon de cinéma de Luc Besson

Publié le par Chippily

Luc Besson0

  Escroc pour les uns, réalisateur de films cultes pour les autres... Please welcome ladies and gentlemen le réal' français le plus controversé de notre époque !  

Il arrive, souriant, détendu, dans son habituel gilet gris. "Salut, ça va ?". Devant lui, un amphi rempli de têtes curieuses. Dont votre serviteur, venue s'incruster, calepin et appareil photo à la main, entre deux étudiantes en L1 de cinéma. "Vous avez de bonnes têtes", lance Luc Besson, observant la salle. Puis, s'adressant aux étudiants en art : "J'espère que vous réussirez mieux que nous !". Et c'est parti pour une heure de questions/réponses avec comme toile de fond le film "The Lady" !

LUI

SON PARCOURS

"J'étais pas parti du tout pour faire du cinéma", s'amuse Luc Besson. "Vers 13 ans, j'écrivais beaucoup. A 14 ans, j'ai fait de la photo. Et puis, j'ai voulu faire delphinologue. Mais j'ai eu un accident de plongée". A 17 ans et quelques, il se retrouve par hasard sur un plateau de cinéma. "Je suis tout de suite tombé amoureux de cet endroit. Je suis rentré voir ma mère et je lui ai dit : je veux faire du cinéma ! Et le lendemain, je suis parti". Pour ensuite connaitre le sucès qu'on connait (et les critiques qu'on connait).

ERIC SERRA ET LUI  

Le compositeur attitré de Besson ? Eric Serra, bien évidemment. Le réalisateur français le rencontre à 17 ans. "A l'époque, il faisait la batterie dans son groupe de musique. Et il n'avait aucune envie de faire de la musique de films !". Mais aujourd'hui, impossible de séprarer le duo : à une étudiante qui demande sournoisement comment on pourrait remplacer le musicien dans son coeur, Luc Besson s'exclame : "Faudrait d'abord le tuer ! Mais bon, vu que mon fils sort avec sa fille...". Quand on vous disait que le milieu du cinéma était une grande famille...  

THE LADY

LA MISE EN ROUTE DU PROJET

C'est Michelle Yeoh qui propose le script à Luc Besson. "Il m'a tout de suite bouleversé, témoigne le réalisateur. J'ai dit à mon assistante : annule tout dans les 18 prochains mois, je fais un film !". Et Michelle Yeoh de s'imposer naturellement pour le rôle principal. "La ressemblance physique de base est frappante", reconnait Besson. "Et puis, les actrices asiatiques n'ont pas beaucoup de rôles au cinéma à part celui de Mulan", raille t-il. Mais le scénario ne satisfait pas entièrement le Français. "Trop linéaire et pas la présence des généraux. Cette femme se battait contre quelque chose que je ne voyais pas". Les militaires s'imposent alors comme les "bad guys". Et Luc Besson et son équipe de se plonger dans les rapports d'Amnesy International pour compléter leurs informations. Mais pas facile de savoir la vérité exacte pour certaines scènes, dont celle, fameuse, de Sue s'avançant face aux fusils. "Sur Google Earth, c'était flouté. On a pas beaucoup trouvé de gens qui aient vécu cette scène. Ou alors les témoignages étaient discordants".

ANGLETERRE VS BIRMANIE  

Vous aussi vous vous êtes demandés pourquoi Luc Besson filmait toujours la même rue d'Oxford toujours avec le même angle ? Non, ce n'est pas par souçi de rentabiliser la location de la rue, mais bien "pour marquer l'enfermement des 2, explique le réalisateur. Chacun est enfermé, l'un dans sa maison à Oxford, l'autre en Birmanie." Et quant aux couleurs utilisées pour marquer chaque pays, froides pour l'un et chaudes pour l'autre ? C'est pas un peu cliché, ça, Luc ? "On a utilisé la couleur bleue pour Oxford, pour montrer le froid, même en été. Et la couleur or pour la Birmanie, car elle est surnommée "the golden land"". Ah, bah si c'est pour respecter les surnoms, je retire ce que j'ai dit. 

Luc-Besson-20.png BIOPIC, BIOPIC CHéRI  

Troisième fois que Luc Besson s'attelle à un biopic. Enfin, troisième fois qu'il fait un film inspiré de la vie d'une personne ayant réellement existé : c'est "Le Grand Bleu", "Jeanne d'Arc", et maintenant "The Lady" retraçant la vie d'Aung San Suu Kyi. "J'aime aller dans des univers différents à chaque fois, sourit Luc Besson. Comme ça, on a plus de chance de se rencontrer, avec le spectateur : certains détestent un film, mais aiment un autre." Facile, alors, de faire un biopic sur une figure mondialement connue ? Besson grimace. "C'est plus difficile, car elle est toujours vivante. C'est très difficile de la rencontrer aussi ("Je l'ai vu après coup, précisera t-il ensuite, mais elle n'a pas souhaité pour l'instant voir le film"). Pendant tout le tournage, je me demandais si je n'étais pas en train de lui faire du mal sans m'en rendre compte." Avant d'avouer : "Avant, je connaissais très peu son histoire, j'avais même d'elle une image assez dure. En fait, c'est une femme très douce qui n'a tenu que par l'amour. Elle ne veut ni pouvoir, ni argent."

UNE AUTRE CULTURE

Pas de Sue donc pour apporter la vraisemblance sur le plateau, mais des Birmans. "On est allés dans des camps de réfugiés birmans et on les a pris comme figurants. Ca m'a rassuré. A chaque fois que j'avais un doute, je leur demandais." Ainsi, Besson a appris quelques notions de la culture birmane, comme le salut. "Ca aurait été difficile sans eux, car je ne savais pas que le salut était différent selon l'âge." Mais n'a pas pris en compte certains d'entre eux. "Quand j'ai montré le film à des Birmans, ils étaient choqués que "Sue embrasse tellement" car ils ont peu de contacts physiques entre eux." Autre aspect de la culture birmane : "parmi les réfugiés qu'on a pris comme acteurs dans le film, il y avait d'anciens militaires et des victimes. Mais le respect était présent sur le tournage. Ca n'aurait pas été le cas en Occident. Nous, on aurait fait la gueule sur 3-4 générations". Ainsi, l'acteur jouant le petit capitaine pourrissant la vie de Sue a vu toute sa famille se faire tuer sous ses yeux. "Le naturel qu'il avait à l'image, s'étonne Besson qui suppose qu'il a "reproduit ce qu'il a vu". Mais par contre, les marques au sol, fallait oublier... Ils n'y arrivaient pas du tout".

LE CHOIX DES LANGUES

Scène émouvante : Sue, ayant appris la maladie de sa maman, retourne au pays. Elle parle birman avec ses amis...avant de converser en anglais avec sa mère. Aaargh, pense t-on, mais qu'est-ce qu'il nous fait là, le Luc ?! "En fait, il y a très peu d'acteurs en Birmanie. Donc, pour la mère, on a pris une Thaïlandaise qui ne parlait pas un mot de birman. Du coup, on l'a fait jouer en anglais." Mais pour les autres alors, comme ces soldats engueulant Sue en anglais ? "C'est véridique. Les militaires lui parlaient anglais pour bien lui faire sentir qu'elle était Anglaise et non Birmane."

FILMER LA BIRMANIE

Pas simple de filmer l'histoire d'une résistante dans un pays toujours sous le joug militaire. Pas le choix alors pour Besson et son équipe : "On a volé des images sur place. Puis on a tourné en Thaïlande où on a pas eu de problèmes, grâce aux changements de noms dans le scénario". Mais, vers la fin du tournage, ça se complique. "Des espions s'étaient infiltrés". L'équipe est alors allée vers le Nord. "Et là, on a beaucoup changé d'endroits, et il était difficile de nous localiser". Et quand on lui demande s'il n'a pas peur des retombées, Luc Besson se fait ferme : "Si on a peur, bah faut changer de métier". Mais les Birmans ont tout de même frappé : Michelle Yeoh, interprète de Sue, s'est vue expulsée du pays avec l'interdiction d'y retourner.

LA LECON DE CINEMA SE TERMINE...

L'heure est passée, mais Luc Besson en demande encore. "Allez, encore quelques questions !". A ses risques et périls : on l'accuse de mettre trop de violons, il rétorque que "le violon, c'est comme un mot, on peut l'utiliser plus ou moins, l'aimer ou ne pas l'aimer". On lui demande si l'argent est son moteur. "Non, l'argent n'est pas une motivation". Ses agents grimacent, mais lui, continue, sans broncher. Et quand on lui parle du cinéma français d'aujourd'hui, Luc distribue les bons points - "on a une nouvelle génération de producteurs très bonne" - et les mauvais : "On est passé à un cinéma intellectuel. C'est marrant, on pense que cinéma intellectuel = cinéma de qualité. Mais c'est pas parce que c'est en noir et blanc et dans une salle de bain que c'est bon". Comme quoi, on peut aimer ou ne pas aimer Luc Besson, mais force est de reconnaitre qu'il a le sens de la formule.

 

 

Publié dans buZZ

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S
t'as bien de la chance dis-donc ! Besson j'étais fan toute mon adolescence. Ah ! "Le grand bleu", "Nikita", "Léon", "Le 5e éléments", "Jeanne d'Arc" ! après son travail de producteur a pris trop de<br /> place, même s'il est revenu en force avec "Adèle Blanc-Sec". Bon "The Lady" c'est pas gégé quand même, biopic bien trop classique et fade par rapport au "Grand Bleu" (où il incorporait de la<br /> fiction, limite du fantastique) ou "Jeanne d'Arc" qui la montrait plus humaine que la légende le raconte. Moi je vais à une rencontre avec Ludivine Sagnier la semaine prochaine, je ferai peut-être<br /> un article comme le tien, c'est sympa.
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C
<br /> <br /> Oui oui, ce serait vraiment cool que tu en fasses un :) Je l'attends avec impatience en tout cas, parce que ces rencontres sont toujours très intéressantes ;) (et oui, j'avoue, j'ai eu du bol !)<br /> <br /> <br /> <br />